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Je suis douée! (deuxième partie)

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« Léane, tu es douée ». Ce sont les mots de ma mère. C’était en octobre 2017. Dans ses yeux, je perçois un mélange de soulagement et d’inquiétude. Au début, j’ai senti comme un vent de renouveau. Je voyais, je sentais que j’étais différente par rapport aux autres enfants de mon âge.  Maintenant, je comprenais. C’était un soulagement immense. Rien ne clochait chez-moi, j’étais seulement douée.  

De l’enchantement au questionnement

L’enchantement initial a fini par s’essouffler.  Je n’ai pas pu m’empêcher de me demander (oui, je suis comme ça, je me pose toujours des questions et j’analyse constamment) ce qu’aurait été ma vie si on avait compris ma douance plus tôt. Est-ce que j’aurais pu avoir une enfance heureuse si on m’avait donné les outils pour cohabiter avec elle ? Est-ce que les années d’isolement social auraient pu être évitées ? Pourquoi 14 ans avant d’avoir des réponses pour expliquer ma différence pourtant si évidente ?  

Une imagination en ébullition

Je vous rassure, je n’ai aucun ressentiment, plus maintenant dû moins. Grandir avec la douance, ce n’était pas facile. Dès mes premiers contacts avec les enfants de mon âge, j’ai compris que nous étions différents. J’avais de la difficulté à me faire des amis, mais je ne comprenais pas pourquoi. Leurs jeux m’ennuyaient. Je n’en avais rien à faire moi de jouer à « la tag ». J’étais beaucoup mieux dans ma tête.  Mon imagination était débordante. Je m’inventais des univers complexes et quand j’essayais d’expliquer mes jeux à mes camarades, ils ne comprenaient pas. Ni mes histoires, ni les mots que j’utilisais pour leur raconter d’ailleurs. Je finissais donc souvent toute seule dans mon coin.  

Ma maison, mon refuge

À la maison, j’étais beaucoup plus à l’aise. Je pouvais jouer à ce que je voulais et mes parents aimaient stimuler mon imagination sans fin. La différence entre moi et mes pairs ne m’était plus apparente. Je pouvais apprendre ce qui m’intéressait, à mon rythme. J’adorais lire et écrire, tellement que j’ai appris toute seule. J’ai appris l’anglais aussi. En écoutant la télévision et en demandant à mes parents de m’enseigner des mots. J’étais et je suis toujours fascinée par les langues étrangères. J’ai d’ailleurs appris le japonais pendant mon adolescence et j’étudie maintenant en langues modernes à l’université.  Quand j’aime quelque chose, je suis passionnée et les apprentissages se font sans effort. La douance a quand même de bons côtés parfois !  

Merci Manon, bienveillante éducatrice

J’ai fait mon entrée chez Manon à 4 ans. Je ne voulais qu’apprendre et jouer avec des amis, mais je ne savais pas comment faire, j’étais maladroite. Manon, mon éducatrice, a toujours fait de son mieux pour m’accompagner. Je me souviens que pendant les pauses dîner, elle parlait souvent avec moi et j’adorais cela. Je me sentais comme si j’avais finalement des conversations de « grande », ce que je n’arrivais pas à avoir avec les autres enfants de mon service de garde. Elle répondait à mes très nombreuses questions, mais savait également me dire quand c’était trop. Manon a définitivement été une personne très significative dans ma vie. Je te remercie infiniment Manon.  

Une entrée à la maternelle, un difficile retour à la réalité

Lorsque je suis entrée à la maternelle, je n’étais aucunement prête à ce qui m’attendait. Je me retrouvais dans un groupe d’une vingtaine d’enfants que je n’avais jamais rencontrés et il était très apparent que je n’étais pas comme eux. Ils étaient souvent méchants avec moi car ils me trouvaient étrange. J’ai vécu énormément de rejet et de solitude. Je passais toutes les récréations à marcher seule, dans la cour d’école. À cette époque, je pensais que j’étais trop bizarre pour les autres. J’aurais aimé qu’on puisse identifier ma douance. Cela m’aurait aidé à comprendre que je n’étais pas une extra-terrestre et on aurait pu outiller mes enseignants pour qu’ils puissent me donner le support dont j’avais tant besoin.  

Une enfant comme les autres

J’étais une enfant douée, c’est vrai. Mais d’abord et avant tout, j’étais une enfant. Point. J’aurais aimé qu’on comprenne que j’avais besoin d’aide parce que ma souffrance, je la vivais en silence.  Je sais que dans votre groupe, il y a des enfants à défis particuliers. Je sais que cela vous demande énormément de temps et d’énergie. Mais vos petits doués ont besoin de vous également.  

Chères éducatrices, chers éducateurs

Je sais que certaines éducatrices ou que certains éducateurs craignent de faire avancer un enfant trop rapidement dans ses apprentissages. Leurs intentions sont bienveillantes, ça aussi je le sais. Elles ou ils craignent qu’il ne s’ennuie une fois à l’école. Sachez chères éducatrices et chers éducateurs que je me serais ennuyée à l’école qu’on me permette de lire ou non au service de garde. Ne craignez pas de donner des livres et des jeux conçus pour un âge plus avancé que le sien à un enfant doué.  N’hésitez pas non plus à interagir avec lui, même si parfois ses sujets de conversation vous dépassent. La notion de la vie et de la mort quand on a 4 ans et qu’on est doué, ça peut vraiment nous faire peur. Nous n’avons pas les outils pour répondre à nos questions fondamentales. Et on en a des questions ! Nous avons besoin de votre réconfort dans ces moments-là. Juste ça. Et au nom de tous les petits doués que vous accueillez et que vous accueillerez dorénavant, merci.  Sincèrement merci.   Léane    
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